samedi 25 juin 2016

Victoire du Brexit : déficit d'appréciation et comparaison biaisée ?

"Yes ! Mon NON l'a emporté ! Bon, maintenant, euh ... on en fait quoi !"

Voilà comment je résume la position de certains anglais rapportée par le journal de 20 heure de France 2 le jour de la proclamation des résultats.

Je vous livre deux travers qui m'ont semblé prégnants dans cette campagne; deux travers qu'on retrouve selon moi dans beaucoup de campagnes politiques.

Déficit d'appréciation
Il est forcément facile de trouver des choses négatives à dire sur qui que ce soit et  quoi que ce soit. Quitte à forcer le trait, voir à carrément à mentir. Et après, c'est le téléphone arabe, largement dépassé maintenant par les réseaux sociaux. Pour certaines personnes, à partir du moment où une information est véhiculée par Facebook, Twitter and co, ... elle est forcément juste.


S'il est forcément facile de voir le rouge, il y a aussi forcément du vert à voir. Des côtés positifs à apprécier.
Quelles sont les raisons qui nous font ne pas apprécier ce qui pourrait l'être ? Je vous propose quelques raisons :

  • pour apprécier, encore faut-il avoir le temps de prendre conscience de ces choses; et quelques fois, il faut un peu gratter pour ne pas rester à la surface, en restant à la merci des jugements radicaux; quelques fois, il faudrait même plus que gratter pour évaluer toute l'étendue d'un champs très vaste auquel on vous demande de répondre par OUI ou par NON
  • pour apprécier, il faut "combattre" notre tendance humaine plus ou moins prononcée selon chacun.e à focaliser sur le négatif
  • la société de consommation nous entraîne dans une fuite en avant des désirs, des attentes. Dès lors qu'un désir est réalisé, on en crée un suivant, en n'appréciant pas ce que l'on vient d'obtenir. La maxime suivante décrit bien l'enjeu : "Le bonheur, c'est de continuer à désirer ce que l'on possède".
  • on apprécie plus facilement ce qui nous est destiné particulièrement, que ce qui est donné collectivement, et dont on bénéficie au même titre que d'autres.
  • apprécier une partie d'une chose pour laquelle on est engagé dans un processus de rejet peut créer de la confusion dans les esprits. C'est tellement plus confortable de rejeter en bloc. C'est comme pour un divorce : c'est souvent une solution à un calvaire où rien dans le tableau n'est à mettre à l'actif du conjoint. Pour reprendre le cas du Brexit : c'est tellement plus simple de dire que l'Europe n'apporte que des problèmes à la Grande-Bretagne. Jetez moi l'eau du bain, le bébé et même la baignoire tant qu'on y est, voire le système d'alimentation et de traitement de l'eau !
Peut-on donner plus de place à l'appréciation ? Oui : en cultivant la gratitude. Le journal des gratitudes est un bon moyen de muscler notre capacité à la gratitude. Je proposerai prochainement une adaptation que j'ai faite du journal de gratitude tel qu'il est souvent présenté dans les livres de psychologie positive.

Comparaison biaisée ? De quoi s'agit-il ?

Il est classique dans les campagnes politiques de procéder à de la comparaison biaisée : on compare les avantages du programme proposé, contre les inconvénients du (des) programmes considéré(s) comme opposé(s).
"Rendez-vous compte de toutes les bonnes choses que vous aurez (sûr, de sûr) avec nous, par rapport à tous les malheurs qui vous attendraient avec ce qu'eux vous proposent ! Y a pas photo ! Vous préférez le paradis avec nous ou l'enfer avec eux ?".


Sachant que pour renforcer le côté déséquilibré de cette comparaison, les avantages sont gonflés et on distille plus ou moins de mensonges et d'exagération concernant les inconvénients du (des) autre(s) programmes.

Dans la campagne du Brexit, les médias ont rapporté des mensonges que ce soit sur la courbure des bananes, l'age minimum pour gonfler des ballons qui seraient imposés par l'Europe, ... autant de choses qui sont facilement mémorisables (car incongrues) et quelques chiffres énormes à la fois au sens propre au sens figuré.

Imaginons une campagne - non politique - sur célibat / vie en couple. Quels pourraient être les arguments - simplistes - de chaque camp, chacun usant des stratagèmes évoqués précédemment :

"La vie en couple : c'est le rêve; le célibat conduit à la dépression et le suicide.
Chacune et chacun de nous vit, a déjà vécu ou voit vivre autour de soi une vie en couple et en famille épanouie avec de la complicité, de la solidarité, de la stimulation mutuelle. Ne dit-on pas 1+1=3
A deux, on ferait bouger des montagnes.
Et puis quand on passe à trois, quatre, cinq, ... c'est chaque fois la multiplication des lumières dans le foyer avec des rires, des joies, des petites peines mais qui disparaissent tellement vite.

Le célibat, la solitude ? Mais quand on y pense, c'est horrible. Jean-Jacques Goldman n'a-t-il pas écrit "la solitude se multiplie dans la multitude" ?
Les personnes seules âgées sont beaucoup plus touchées par le suicide que la population moyenne : 28% des suicides alors qu'elles ne représentent que 20% de la population. 100% de ces suicides sont liées à la dépression et touchent surtout des personnes seules. Sans compter tous les suicides de personnes âgées qui n'ont pas été considérés en tant que tel. Le taux de sous-estimation serait de 20% !
Vivre seul mène à la dépression, c'est bien la conclusion qu'il faut retenir !
Mais surtout la vie en couple, c'est assurer la joie de vivre et des cellules familiales qui constituent le socle de notre société."

"Le célibat : c'est formidable; la vie en couple : un enfer.
Rien n'est plus important pour un être humain que de vivre sa liberté, de s'épanouir professionnellement, amicalement, dans ses loisirs, dans sa vie sociale sans être bridé.
Rien n'est plus important que de pouvoir dire ce qu'on pense, de pouvoir faire ce qu'on a envie de faire, de ne pas faire ce qu'on n'a pas envie de faire et de ne pas avoir à demander à l'autorisation ou l'avis de quelqu'un pour faire quelque chose. Déjà que c'est difficile de vivre ça au travail, alors au moins qu'on puisse le vivre dans sa vie personnelle !
Si on a coupé le cordon ombilical, ce n'est pas pour le reconstituer avec quelqu'un d'autre !

Ah, la vie en couple, c'est formidable la vie en couple. Ca l'est tellement que 50% des couples divorcent, la première cause étant l'infidélité et l'égoïsme du conjoint.
L'être humain n'est tout simplement pas fait pour la fidélité. Et on finit toujours par être déçu par son conjoint, qui, fondamentalement, n'est jamais à la hauteur.
Et il y a pire : la violence conjugale, vous en avez forcément entendu parler de la violence conjugale ! Parlons chiffre : 1 million de femmes sont en victimes.
Donc pour résumer : la vie en couple : non seulement on finit - de plus en plus vite - à en être déçu, et en plus c'est le risque pour une femme d'être victime de violence. Et c'est même le cas pour certains hommes !
Rien ne vaut la liberté, la joie d'organiser son temps et de voir ses amies et amis quand on le veut."

A noter qu'on connait bien aussi la comparaison biaisée dans le monde du travail, mais utilisée de manière un peu différente : il s'agit de comparer les inconvénients de ses propres conditions de travail par rapport aux avantages - indécents - des conditions de travail des autres.
Ce qui fige chacun.e et chacun sur des postures et délégitime les difficultés que peuvent rencontrer les autres dans leur travail.
Ce qui explique en partie la difficulté en France à coopérer sur les conditions de travail.

En passant, je signale qu'il y a une voie pour sortir de ce travers quelque peu tragique pour le bien-vivre ensemble : la symétrie des attentions que j'évoquée à plusieurs reprises sur le site laqvt.fr


dimanche 19 juin 2016

Bonheur et pragmatisme

Dans l'article Brest : les Laboratoires Boiron misent sur le bien être au travail sur http://france3-regions.francetvinfo.fr/, on y lit la phrase suivante prononcée par Christian Boiron le directeur général du groupe de même nom (le numéro un mondial de l'homéopathie) :

"Je ne veux pas le bonheur des gens, je veux l'efficacité de l'entreprise et il se trouve que c'est souvent en allant dans le sens du bonheur des gens que j'optimise l'efficacité de l'entreprise"

Comme quoi, l'intérêt à créer le bonheur des collaborateurs ne s'arrête pas qu'aux dirigeants particulièrement humanistes. Il concerne aussi les dirigeants qui ont compris que l'épanouissement des collaborateurs contribue à l'efficacité de l'organisation.

Et si ces deux types de dirigeants se donnaient la main et œuvraient pour mettre en évidence ce lien entre bien-être et efficacité :


  • les pragmatiques se multiplieraient
  • et celles et ceux qui restent finiraient pas suivre car se serait devenu une exigence des salariés et elles/ils n'auraient plus le choix que de s'y intéresser au risque de voir s'évaporer leurs effectifs.

Si on ajoute un éventuel retournement de la tendance du marché de l'emploi au profit des demandeurs, croyez-moi que le bonheur aurait plus sa place dans les organisations.

A noter que ce que je viens d'écrire pour le bonheur est valable aussi pour la Qualité de Vie au Travail (QVT) : il n'y a pas que les dirigeants humanistes qui œuvrent pour la QVT, il y a aussi les pragmatiques qui ont compris que c'est gagnant-gagnant.