jeudi 25 juillet 2019

La colère travaillée dans une optique de bienveillance

Cet article constitue la sixième et dernière partie du mini dossier La colère en obstacle de la bienveillance

Il constitue une conclusion à cette mini série sur la colère en tant qu'obstacle de la bienveillance.

Pour synthétiser un certain nombre de pistes d'actions évoquées dans les précédents articles, je vous propose trois types d'actions concernant la colère, réparties en deux catégories :


1/ Réduire la surface de la colère

  • supprimer le parasitage, le poison de toutes les colères inutiles pour des broutilles ; réduire les croyances négatives qui nous font porter des jugements sans cesse sur les autres
  • créer une plus grande proximité avec autrui pour être en capacité de mieux le comprendre et éviter les malentendus et les tensions (notamment via l'Attention Réciproque)
2/ Cultiver une colère transformatrice et bienveillante
  • cultiver la colère qui se meut en action transformatrice bienveillante pour plus d'humanité, plus de justice, plus d'égalité ; autrement dit, une colère qui aide à prendre ses responsabilités de manière coopérative et bienveillante.
Concernant la culture d'une colère transformatrice et bienveillante, je précise que, selon moi, la bienveillance doit être en fil rouge concernant 3 aspects fondamentaux de tout projet de transformation (et par extension : de tout projet) :
  • le "pourquoi" : la bienveillance doit faire partie de ce qui nous inspire profondément dans la transformation
  • le "comment" : la façon de procéder à la transformation doit impérativement être basée sur la bienveillance sous peine d'utiliser les mêmes armes que les modèles malveillants que l'on dénonce ; j'attire fortement l'attention à cet impératif car j'ai constaté à plusieurs reprises que de très beaux projets qui font rêver ne baignent pas, loin s'en faut, dans la bienveillance, avec notamment des tensions interpersonnelles qui peuvent empoisonner ces projets
  • le "quoi" : les objectifs doivent être posés dans une approche gagnant-gagnant.

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Faut-il bannir la colère ?

Cet article constitue la cinquième partie du mini dossier La colère en obstacle de la bienveillance

Ma réponse à la question soulevée dans le titre est clairement : Non ! Elle me semble notamment saine et utile quand elle s'attache à des sujets de morale, de justice, de rétablissement du droit - sous réserve de ne pas vouloir faire sa propre loi et de focaliser sur son propre intérêt.

La colère est utile quand elle nous permet de nous mouvoir dans le bon sens, de faire bouger les choses dans le sens d'une transformation que j'évoquerai plus précisément dans la dernière partie de cette mini série (La colère travaillée dans une optique de bienveillance)

Ce qui est important selon moi, c'est ce à quoi la colère aboutit en terme d'actionJ'ai personnellement beaucoup de mal avec l'idée que la colère aboutisse à la violence. Là aussi, il faut sortir de la vision binaire où l'on voudrait nous imposer le choix entre deux alternatives : la violence ou la lâcheté.

On peut exprimer sa colère de manière constructive et diverse, notamment avec la CNV, des actes d'opposition non violente (notamment de désobéissance civile), de boycott, de manifestation pacifique, de créations artistiques, de créations d'alternatives, ...



Donc tout l'enjeu est que la colère "utile" se traduise par un acte bienveillant.

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Pourquoi la colère est-elle un obstacle à la bienveillance ?

Cet article constitue la quatrième partie du mini dossier La colère en obstacle de la bienveillance

En me référant au schéma ci-dessous, on voit bien le cercle vicieux qui se renforce entre les croyances, les pensées face à un événement, la colère, le comportement agressif et ses conséquences.


Dans un tel cercle vicieux, les croyances sur les autres sont souvent négatives. Pour dire les choses clairement : un certain nombre de personnes (voire la presque totalité de l'humanité pour les personnes misanthropes) ne méritent pas notre bienveillance. Soit la colère sera sans véritable conséquence, faute d'avoir les moyens de les atteindre, soit elle se transformera en acte agressif. Comme évoqué dans la liste à la Prévert des types de comportement, la colère est susceptible de se déporter sur un souffre-douleur si l'objet de la colère est hors d'atteinte au moment de la colère. N'oublions pas en effet que la colère est quelques fois explosive et qu'alors, elle n'attendra pas que l'objet de la colère soit présent pour s'exprimer. Elle explosera sur la première personne acceptable à portée de main ou de voix.

Un des problèmes du lien entre colère et croyances est celui de la généralisation : on ressent de la colère pour telle personne et le risque c'est que l'on associe tout une catégorie de personnes à la colère. Voici quelques exemples :

  • X a eu altercation avec un enseignant de son fils; depuis, chaque fois qu'il voit un reportage sur les enseignants, sa première pensée est "de quoi se plaignent-ils ?". D'ailleurs, plus globalement, il a le même type de réaction pour tous les fonctionnaires.
  • "Mon voisin a été cambriolé la semaine dernière. Il paraît que le voleur est un immigré. J'ai entendu les chiffres sur la délinquance : la plupart sont immigrés. Il faudrait refuser l'entrée aux immigrés, ce sont tous des voleurs." A noter en passant les erreurs de raisonnement statistique qui conduisent à des confusions : "X% des délits de droit communs sont commis par des étrangers" (1) est mis faussement en équivalence avec "X% des personnes d'origine étrangère commettent des délits" (notez aussi le basculement abusif de "étranger" à "personne d'origine étrangère")
  • "Vous avez entendu ce scandale avec de Rugy et ces homards et grands crus à volonté pour sa famille et ses copains, payés par nos impôts ? Les politiques sont vraiment tous des pourris !"
Et ce faisant, si on n'y prend pas garde, on va considérer que de plus en plus de gens ne méritent pas notre attention et que leurs besoins, attentes, aspirations sont illégitimes (pour le moins, sacrément moins légitimes que les nôtres).

Il y a aussi un objet de la colère qui constitue un obstacle majeur à la bienveillance : la colère qui porte sur notre sacré liberté : tout ce qui entrave notre liberté risque de nous mettre en colère et de nous faire tomber dans la malveillance ou l'absence de bienveillance : 

  • liberté de la vitesse au volant et de pouvoir boire ET conduire
  • liberté de désherber son jardin avec un produit à base de glyphosate, seul (supposé) efficace
  • liberté de s'exprimer sans censure sur Internet et de dire "vraiment" ce qu'on pense
  • liberté de manger, boire, fumer jusqu'à plus faim, coma éthylique et cancer, parce que c'est notre choix, qu'on n'a qu'une vie, ou "après moi, le déluge", ...
  • et tant d'autres ...

Une colère qui rend sourd ou agressif face aux messages respectifs de prévention routière, de préservation de la planète, de respect vis-à-vis d'autrui, d'attention à soi ...

Une colère qui est donc un obstacle à la bienveillance par rapport à soi, à autrui, aux collectifs et communautés auxquels on appartient et à la planète (la nature).

(1) Les statistiques en France n'étant pas ethniques, il n'est pas question de statistiques par origine

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Libérons-nous de la colère !

Cet article constitue la troisième partie du mini dossier La colère en obstacle de la bienveillance

J'observe que certaines personnes ont développé une croyance selon laquelle la colère serait libératrice et qu'il n'est pas question de la "canaliser". En cela, je constate souvent que l'on raisonne de manière binaire :

  • il faut vivre sa colère sans retenue, du moment qu'on ne dépasse pas certaines limites fixées par la loi (sachant que certaines sont floues, notamment quand il s'agit de harcèlement)
  • il ne faut ressentir/exprimer aucune colère
Photo de Gage Skidmore - Licence CC BY-SA
La colère au plus haut niveau
"Quand les baleines se battent, les crevettes ont le dos brisé" Proverbe chinois
Photo de Gage Skidmore - Licence CC BY-SA


Et pour les adeptes de la première option, celles et ceux qui adoptent la seconde finissent par contracter des pathologies mentales à force de frustration, de soumission, ... Une simplification que l'on image parfois avec le duo hérisson/paillasson. Quand les comportements d'individus sont régis par les rapports de force, ils naviguent selon leurs interlocuteurs entre la position hérisson et la position paillasson. Et en mode hérisson, ils s'offrent des souffre-douleurs.

Pour qui navigue en paillasson et selon le principe bien connu de la goutte d'eau qui fait déborder le vase, le paillasson peut aussi verser dans le mode hérisson, et généralement de manière disproportionnée.


Vincent Delecroix (1) explique "Avec la colère, il n’y a pas de résolution, juste des arrangements, des suspensions provisoires ... le rétablissement de l’ordre se fait dans le face-à-face, la reconnaissance mutuelle."

Pour sortir de ce mode binaire, je conseille deux "outils" qui permettent de lever l'obstacle que constitue la colère à la culture d'une société bienveillante :

  • l'assertivité, que je nomme aussi affirmation de soi bienveillante; avec deux idées qui me semblent centrales : 
    • un ego justement positionné (en évitant les deux extrêmes : surestimation de soi et de ses besoins, et sous-estimation de soi et de ses besoins)
    • un respect et a priori positif mutuel : je suis OK et tu es OK
  • la Communication Non Violente (CNV) 

On peut aussi prendre conscience des types de pensées qui nous poussent à la colère ainsi que de réfléchir à la gestion des offenses qui nous sont faites (qu'elles soient intentionnelles ou non). Il s'agit aussi de bien comprendre la réalité, la perception et les aspirations d'autrui pour éviter les malentendus et les tensions. Je vous renvoie notamment à quatre modélisations que j'ai réalisées :

  • les enjeux du bonheur en verbes. Cette modélisation met en exergue la quantité potentielle de raisons à se mettre en colère (ce que je suis, ce que je ne suis pas, ce que j'ai, ce que je n'ai pas, ce que je fais, ce que je ne fais pas ; le tout, au passé, au présent et à l'avenir et auquel il faut ajouter les mêmes déclinaisons pour autrui : ce qu'il est, ce qu'il n'est pas, ...). En un sens, quand on s'y arrête, le nombre de raisons possibles à se mettre en colère peut donner le vertige. D'où l'importance d'en prendre conscience, et notamment des multiples occasions potentielles de se mettre en colère pour des broutilles. J'attire particulièrement l'attention aux personnes qui ont tendance à s'énerver, à s'agacer, facilement (ou à leur entourage) : l'énervement est une manifestation de la colère; une personne qui s'énerve pour tout et pour rien baigne dans l'émotion de la colère qui constitue un poison pour elle et pour son entourage.
  • les méfaits de la comparaison dans le domaine professionnel (sur laqvt.fr)
  • La méthode "Olé !" face aux affronts et à l'autoflagellation. Une méthode d'agilité qui permet de transformer avec une forme d'élégance la colère en émotion légère voire pétillante.
  • L'Attention Réciproque qui consiste à se prêter une attention mutuelle entre deux personnes ou entre deux collectifs (sur laqvt.fr). L'Attention Réciproque porte sur 3 dimensions : la réalité (c'est quoi ta vie, la situation à laquelle tu fais face), la perception (tes émotions, tes sentiments) et les aspirations (tes besoins, tes attentes, tes éventuelles demandes que tu n'oserais pas exprimer)
J'ajoute l'excès d'attribution : il s'agit d'une tendance qui se développe de nos jours, renforcée par le culture de l'excellence et de la défiance : l'attribution excessive de ce qui nous arrive de désagréable, fâcheux, ... Chaque fois qu'un événement ne se passe pas complètement comme prévu, il faut trouver un responsable voire un coupable. Et une fois trouvé, on aura aussi tendance à considérer que sa "faute" était intentionnelle, faisant fi du droit - universel - à l'erreur.

Le travail sur les croyances et les modes de pensée sont donc capitaux pour diminuer notre surface de colère, les comportements agressifs et leurs conséquences délétères qui s'avèrent souvent perdant-perdant. Parce que les colères basées sur les croyances négatives ou limitantes ne libèrent pas des tensions : elles les entretiennent, voire les renforcent, un peu comme une cigarette apaise la tension du manque tout en semant une nouvelle qui appellera la cigarette suivante. On peut d'ailleurs légitimement se demander si certaines personnes colériques ne sont pas autant attachés à leur colère que les fumeurs à leurs cigarettes et dans l'illusion que ça leur fait du bien alors qu'elle les consume et ce qui est autour avec.


L'enjeu est donc bien le contraire que celui de pouvoir libérer sa colère : il s'agit plutôt de se libérer d'une colère qui empoisonne et enferme.

(1) Vincent Delecroix : “À l’origine de la civilisation grecque, il y a la colère d’Achille” 

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Comportements induits par la colère

Cet article constitue la deuxième partie du mini dossier La colère en obstacle de la bienveillance



Voici quelques types de comportements auxquels peuvent aboutir la colère, un des plus extrêmes étant représenté par la photo ci-dessus :

  • agressivité contre l'objet de la colère
  • agressivité contre une personne étrangère à l'objet de la colère, comme souffre-douleur
  • bouderie
  • retrait, rejet
  • acceptation de mauvaise grâce puis oubli
  • acceptation de mauvaise grâce et rancœur
  • acceptation de mauvaise grâce et désir de vengeance (plat qui se mange froid), duplicité
  • acceptation de mauvaise grâce et sentiment de mésestime de soi
  • acceptation de mauvaise grâce et préparation de vengeance
  • revisite de la pensée ayant produit la colère
  • CNV et assertivité
  • sport avec ou sans violence
  • compensation (alcool, ...) avec ou sans violence
  • ... 
On peut évaluer ces comportements au regard :
  • des impacts sur la santé physique, psychique et social de l'individu en colère - d'autant plus si la colère est chronique, et donc le stress qui va avec, aussi
  • des impacts de santé sur l'entourage ou/et les souffre-douleurs victimes du comportement issu de la colère
  • l'efficacité du comportement
  • son résultat gagnant-gagnant, ou gagnant-perdant, ou perdant-gagnant, ou perdant-perdant, en intégrant les dommages collatéraux
  • de l'éventuel côté renforçant (cercle vicieux ou cercle vertueux)
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La colère au sein d'un processus


Cet article constitue la première partie du mini dossier La colère en obstacle de la bienveillance

Pour comprendre de quoi se nourrit la colère, à quoi elle aboutit et en quoi elle peut former un cercle vicieux, je vous propose le schéma général suivant inspiré des techniques comportementales et cognitives :



Face à un événement, à un stimuli donné, vient à l'esprit une pensée - souvent automatique - basée sur le système de croyances de l'individu. De cette pensée découle une émotion, qui elle-même conditionne un comportement - lui-aussi souvent automatique - qui produit des résultats. Potentiellement, l'action peut renforcer les croyances. Si la pensée est négative, l'émotion sera très probablement négative avec un comportement qui souvent ne sera pas adapté et efficace. Si la pensée est positive, l'émotion sera positive avec un comportement apte à assurer une bonne qualité relationnelle. A noter que le schéma peut être amendé dans le cas d'une pensée puis d'une émotion négatives avec deux étapes supplémentaires de reformulation de la pensée pour aboutir à une pensée  et une émotion plus positives. Cela correspondant à un réflexe qui nous pousserait dans une mauvaise décision que l'on remet en question avant de passer à l'action.

Je donne un exemple mettant en scène la colère :



Cet exemple montre bien l'importance des croyances. En l'occurrence, elles sont ici négatives. Si la mère avait des croyances moins affirmées sur la maladresse de sa fille, il est fort probable que sa réaction colérique aurait été moindre. A noter ici qu'il s'agit d'une réaction très malveillante puisqu'il s'agit d'une critique négative inconditionnelle ("tu est nulle").

Voici ce qu'aurait pu être sa réaction avec de toutes autres croyances sur la vie et sur sa fille :

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mercredi 24 juillet 2019

La colère en obstacle de la bienveillance

Depuis quelques dizaines années, avec l'engouement pour les psychothérapies et pour le développement personnel, les émotions sont devenues l'objet de notre attention, plus d'ailleurs au niveau personnel et interpersonnel qu'au niveau collectif. Comme si les émotions relevaient seulement de la responsabilité individuelle. Et l'on appelle les individus à bien (mieux) gérer leurs émotions.

Je vais m'arrêter dans ce mini dossier à une émotion dont je veux essayer de montrer à la fois qu'elle peut constituer sous certaines formes un obstacle à la bienveillance et qu'elle fait l'objet de croyances qui mériteraient d'être interrogées, notamment sur sa capacité libératrice. Il s'agit de la colère.

Je vous invite à prendre connaissance des 6 articles de cette mini série en cliquant sur chacun des titres dans la carte mentale ci-dessous.



En cas de soucis avec la carte mentale, je donne ci-dessous la liste des articles :


  1. La colère au sein d'un processus
  2. Comportements induits par la colère
  3. Libérons-nous de la  colère !
  4. Pourquoi la colère est-elle un obstacle à la bienveillance ?
  5. Faut-il bannir la colère ?
  6. La colère travaillée dans une optique de bienveillance
Ci-dessous en illustration le clip de la chanson "La colère" de Gaëtan Roussel :



mercredi 17 juillet 2019

Zone de confort et curiosité exploratrice

Dans un de mes derniers articles de la saison 2018-2019 sur laqvt.fr "Zone de confort et QVT", j’ai évoqué cette ritournelle des temps modernes qui nous invite avec insistance et en beaucoup d'occasions à sortir de notre zone de confort. J’y développe l’idée qu’en réalité, l’aspiration de beaucoup serait plutôt de (re)trouver des zones de confort dans leurs différentes sphères de vie, et notamment dans la sphère professionnelle.

Ma vision très récente du documentaire "L’autre connexion" de Cécile Faulhaber m’amène à aborder le sujet de la zone de confort par un autre bout. J’en profite pour remercier mon ami Christian Bruneteau qui m’a orienté vers ce documentaire que je conseille vivement à vous lectrices et lecteurs de mon blog. Je vous souhaite qu'il puisse vous émouvoir et vous nourrir autant que pour moi. Il traite de la connexion à la nature, sujet que j’ai déjà évoqué quand j’ai rapporté sur ce blog quelques idées développées dans la théorie U. Une connexion à la nature présente également dans la modélisation sur la bienveillance sur laquelle je travaille et que je présenterai probablement d’ici peu ici et sur laqvt.fr



Jean-Claude Catry, cofondateur et codirecteur de l’école Wolf en Colombie britannique interrogé par la réalisatrice sur les enjeux et le cheminement de la connexion à la nature évoque un côté ambivalent de la nature : c’est toujours la même chose et en même temps, c’est toujours différent :

  • c’est la même chose car il y a des cycles, des invariants, des choses constantes. Cette constance étant rassurante. Je précise que la chose constante n’est pas forcément agréable. Et même si elle ne l’est pas et apporte de l’inconfort, il y a souvent une dimension rassurante malgré l’inconfort.
  • c’est différent, c’est changeant. Ou, il y a des choses qui nous poussent à changer, ce qui fait appel à nos capacités d’adaptation.


La fameuse idée “sortir de sa zone de confort” nous invite souvent à nous adapter à une situation changeante, sachant que la fréquence des évolutions dans nos différentes sphères de vie s’accélère très nettement depuis quelques années. Et plus il y a accélération, plus est difficile l'adaptation et plus nos zones de confort rétrécissent.

Face à ce qui nous invite de manière plus ou moins pressante au changement, je vous propose de considérer 3 types de réactions :

  • la non-réaction consécutive à la non prise de conscience des invitations au changement; par manque de temps, d'attention
  • diverses formes de réaction consécutives à un sentiment de peur par rapport au changement
  • des réactions consécutives à un état d’esprit de curiosité, d’excitation et de défi stimulant


sachant que face à une invitation au changement, on peut se retrouver avec une combinaison de curiosité et de peur, voire la succession de curiosité puis de peur, ou vice versa.

L’école Wolf cultive une capacité qui me semble centrale et déterminante pour le bonheur individuel et la bien-portance de nos communautés, collectifs et pour la nature : la curiosité. Une telle culture de la curiosité peut nous faire repousser loin les frontières de nos zones de confort : sans curiosité, le risque est que nos zones de confort soient délimitées par ce qui reste constant dans nos vies, sachant que la constance tend à se rétrécir sur beaucoup de dimensions. Par contre, avec une culture de la curiosité, le changement peut alors être envisagé tout ou partie dans le cadre de nos zones de confort. Et auquel cas, nul besoin que l’on nous invite à sortir de nos zones de confort : nous faisons appel à notre curiosité, à nos capacités à l’observation, à la conscience, à l’analyse, à la déduction, à la réflexion interpersonnelle et collective, … Evidemment, il n’est pas sûr qu’à un moment ou à un autre, on ne finisse pas par sortir de sa zone de confort.

Je vous propose un schéma sur l'enjeu de la curiosité que j'ai qualifiée d'exploratrice par rapport à la zone de confort :


Avec les 3 cercles de (bleu, orange, rouge), j'ai représenté la zone de confort (centrale, en bleu) comportant deux couches de cuirasse : celle de l'indifférence (en orange) puis celle des peurs (en rouge). L'indifférence et les peurs constituant des obstacles pour explorer ce qui n'est pas dans notre zone de confort.
La curiosité exploratrice a 3 effets conjugués :

  • élargir la zone de confort - notamment à ce qui est changeant -, 
  • réduire la cuirasse de l'indifférence, 
  • et réduire la cuirasse des peurs.


Un déficit de capacité à la curiosité se traduit souvent par la peur, à la pusillanimité, à la défensive. Et donc à construire la cuirasse de la peur. L'égoïsme, la manque de temps, le déficit d'attention font la cuirasse de l'indifférence.

La curiosité va de pair avec l’attention et la bienveillance. Sous condition qu’elle soit saine : pas celle qui va à la recherche du croustillant ou qui se limiterait à tout ce qui conforterait sa vision de la vie, sur les gens, les choses, les phénomènes. J’apporte cette précision car les termes “curieux” et “curiosité” sont souvent connotés négativement et considérés alors comme des défauts. D'où le qualificatif "exploratrice" que j'ai adjoint au terme "curiosité" exprimant un aspect fondamental : la curiosité met en mouvement, invite à un questionnement, à chercher des réponses, et possiblement des modèles inspirant pour notre développement personnel.

Le curiosité exploratrice est donc un support central d'un cheminement de (re)connexion. Je l'ai schématisé de la façon suivante :



Une cheminement qui nous conduit à être plus connecté à nos aspirations personnelles les plus profondes, à autrui, aux communautés et collectifs auxquels on appartient (couple, famille, amis, voisinage, collectif de travail, association, commune, ...) et à la nature. Cette quadruple connexion est l'enjeu central de la modélisation sur la bienveillance sur laquelle je travaille. Ces 4 dimensions constituent 4 points cardinaux de la bienveillance. Dans l'école Wolf, ce cheminement de connexion fait première et originelle la connexion à la nature. La curiosité évoquée dans le film s'entend dans la proximité : il ne s'agit pas d'observer la nature à travers une longue-vue ou dans son fauteuil devant sa tablette ou sa télé sur laquelle sont projetées des images. C'est une curiosité immergée dans l'environnement selon l'idée "On apprend de ce que l'on vit" que j'ai entendu il y a quelques années dans la bouche de Claire Héber-Suffrin,cofondatrice des réseaux d'échanges réciproques de savoirs (RERS). Deux conditions me semblent absolument indispensables :

  • l'humilité qui nous met dans la position d'élève permanent qui peut apprendre tous les jours; une humilité qui nous amène plus facilement à prendre conscience de l'interdépendance, d'apprécier les dons de la nature et des êtres humaines, d'en ressentir de la gratitude et de l'exprimer; l'humilité est renforcée par la confrontation d'une nature non contrôlable (cette confrontation étant le point de départ du cheminement selon Jean-Claude Catry). Une humilité salutaire qui doit nous déshabituer à tout vouloir contrôler et/ou instrumentaliser.
  • la détermination, la patience, le courage, l'effort pour faire face aux inévitables sentiments de peur, de doute, de remise en question tout au long du cheminement de connexion. La détermination qui est épaulée par l'enthousiasme compère de la curiosité. un enthousiasme qui peut être amplifié, démultiplié quand il est partagé avec autrui dans une relation interpersonnelle et collectivement au sein de la communauté; Jean-Claude Catry insiste bien sur l'importance de la dimension communautaire pour donner plus d'efficacité au cheminement de connexion.

L'idée de cheminement intègre le fait que chacun de nous est connecté pour partie et déconnecté pour partie. C'est forcément ambivalent, sauf pour certaines personnes qui seraient soient complètement déconnectées de tout ou complètement connectées à tout. Je n'en connais pas personnellement. La conscience de cette ambivalence et du côté "déconnecté" en chacun de nous participe aussi à l'humilité que je viens d'évoquer. On est donc loin d'un enjeu qui nous ferait passer le temps d'un we de séminaire dans la nature de l'état "déconnecté" à l'état "connecté". Il s'agit donc d'un cheminement qui nous transforme progressivement en plus connecté et moins déconnecté (j'ai utilisé l'image de vases communicants dans mon 2ème schéma).

Alors, cultivons la curiosité exploratrice tous azimuts : à la nature et toute la diversité de la flore et de la faune qui nous entoure, au fonctionnement de notre anatomie, aux autres, à leurs idées, à leurs savoirs, à leur savoir-faire, à leurs talents y compris pour des choses qui peuvent sembler très ordinaires. Puisque professionnellement la Qualité de Vie au Travail est mon terrain de jeu, j’ajoute d’autres sujets de curiosité : les conditions de travail de nos collègues, celles des personnes qui contribuent à ce que nous consommons, les savoir-faire professionnels, l’expérience des séniors, les nouvelles façons d’aborder nos métiers que les jeunes actifs apportent, les bonnes pratiques gagnant-gagnant, les fonctions qui sont habituellement dévalorisées, ...