vendredi 5 août 2022

Un "prends soin de toi !" qui passe mal



Sur autourdelabienveillance.fr, site internet que j'ai dédié à l'idée de Société et de Territoires de la Bienveillance, j'ai évoqué dans un article du même jour que le présent billet, une équation des responsabilités de bienveillance.

Une situation classique traitée dans l'article en question est le surengagement, avec 3 niveaux de responsabilité pour la prévenir et pour y faire face individuellement et collectivement. J'ai posé l'équation suivante : 


Le 2ème terme de l'équation est la responsabilité de la bienveillance à soi-même. 

Quand une personne est en surengagement et qu'elle émet des signes explicites de détresse, de demande d'aide, de ras-le-bol, il est fréquent que des personnes plus ou moins prévenantes lui lancent une invitation très souvent formulée par la phrase "Prends soin de toi !" qui relève d'un panel d'intentions différentes dont je donne quelques spécimens :

  • Un "Prends soin de toi !" lancé comme un "Salut, à un de ces jours !", une forme d'attention qui ressemble fortement à une formule de politesse, sans véritable intention. D'ailleurs, le premier peut être suivi du deuxième, et son auteur tourne les talons pour d'autres horizons sans une seule pensée pour la personne à qui il a adressé ce pseudo signe de bienveillance.
  • Un "Prends soin de toi !" qui fleure le "il suffit de", sans chercher à comprendre les tenants et les aboutissants des difficultés rencontrées par la personne.
  • Celui émis par une partie prenante de la situation difficile, mais qui ne cherche pas à donner à la personne en surengagement les moyens de prendre soin d'elle, par exemple par faute de temps.
  • Celui exprimé de manière manipulatoire par une partie prenante qui utilise des injonctions paradoxales, en mettant le poids essentiellement sur les injonctions poussant au surengagement. Un procédé classique en la matière : pousser les personnes à prendre l'initiative, sans les moyens, et leur reprocher ensuite d'être aller au-delà de leur responsabilité. Et bien entendu, couplé avec un manque de reconnaissance, ou avec de la reconnaissance au compte goutte pour relancer l'engagement quand il menace de s'essouffler.

Dire à une personne en surengagement qui exprime des signes d'épuisement et/ou de difficultés "Prends soin de toi !" est loin d'être suffisant, voire contreproductif. Il convient aussi notamment de :

  • comprendre la situation dans laquelle elle se trouve et la dynamique qui a conduit à cette situation ;
  • évaluer son niveau de conscience de l'importance de la bienveillance à soi-même, et son historique en la matière ;
  • recenser les personnes aidantes, indifférentes et malveillantes, les facteurs protecteurs, les facteurs de tension, et l'historique des interactions ;
  • envisager de sortir d'une éventuelle impuissance solitaire par la puissance coopérative ; cela se justifie particulièrement quand on suspecte que d'autres personnes connaissent le même type de situation et qu'il s'agit probablement d'un problème systémique plutôt qu'individuel ;
  • l'aider à réfléchir pour identifier des alternatives à ce qu'elle pourrait voir comme une impasse ;
  • en cas de danger manifeste pour sa santé, l'aider à s'extraire de la situation, en recherchant les dispositifs prévus par la loi pour protéger la santé et l'intégrité de l'individu, notamment au travail ;
  • et évidemment, en lien avec mon article en référence sur autourdelabienveillance.fr : analyser la situation et les actions possibles par le prisme de l'équation de l'équilibre des responsabilités de bienveillance, avec la présence de ses 3 termes.
A la lecture de ces points, on peut comprendre en quoi la bienveillance rime assurément avec exigence et non avec complaisance comme cela est considéré par certains.


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