jeudi 25 juillet 2019

Libérons-nous de la colère !

Cet article constitue la troisième partie du mini dossier La colère en obstacle de la bienveillance

J'observe que certaines personnes ont développé une croyance selon laquelle la colère serait libératrice et qu'il n'est pas question de la "canaliser". En cela, je constate souvent que l'on raisonne de manière binaire :

  • il faut vivre sa colère sans retenue, du moment qu'on ne dépasse pas certaines limites fixées par la loi (sachant que certaines sont floues, notamment quand il s'agit de harcèlement)
  • il ne faut ressentir/exprimer aucune colère
Photo de Gage Skidmore - Licence CC BY-SA
La colère au plus haut niveau
"Quand les baleines se battent, les crevettes ont le dos brisé" Proverbe chinois
Photo de Gage Skidmore - Licence CC BY-SA


Et pour les adeptes de la première option, celles et ceux qui adoptent la seconde finissent par contracter des pathologies mentales à force de frustration, de soumission, ... Une simplification que l'on image parfois avec le duo hérisson/paillasson. Quand les comportements d'individus sont régis par les rapports de force, ils naviguent selon leurs interlocuteurs entre la position hérisson et la position paillasson. Et en mode hérisson, ils s'offrent des souffre-douleurs.

Pour qui navigue en paillasson et selon le principe bien connu de la goutte d'eau qui fait déborder le vase, le paillasson peut aussi verser dans le mode hérisson, et généralement de manière disproportionnée.


Vincent Delecroix (1) explique "Avec la colère, il n’y a pas de résolution, juste des arrangements, des suspensions provisoires ... le rétablissement de l’ordre se fait dans le face-à-face, la reconnaissance mutuelle."

Pour sortir de ce mode binaire, je conseille deux "outils" qui permettent de lever l'obstacle que constitue la colère à la culture d'une société bienveillante :

  • l'assertivité, que je nomme aussi affirmation de soi bienveillante; avec deux idées qui me semblent centrales : 
    • un ego justement positionné (en évitant les deux extrêmes : surestimation de soi et de ses besoins, et sous-estimation de soi et de ses besoins)
    • un respect et a priori positif mutuel : je suis OK et tu es OK
  • la Communication Non Violente (CNV) 

On peut aussi prendre conscience des types de pensées qui nous poussent à la colère ainsi que de réfléchir à la gestion des offenses qui nous sont faites (qu'elles soient intentionnelles ou non). Il s'agit aussi de bien comprendre la réalité, la perception et les aspirations d'autrui pour éviter les malentendus et les tensions. Je vous renvoie notamment à quatre modélisations que j'ai réalisées :

  • les enjeux du bonheur en verbes. Cette modélisation met en exergue la quantité potentielle de raisons à se mettre en colère (ce que je suis, ce que je ne suis pas, ce que j'ai, ce que je n'ai pas, ce que je fais, ce que je ne fais pas ; le tout, au passé, au présent et à l'avenir et auquel il faut ajouter les mêmes déclinaisons pour autrui : ce qu'il est, ce qu'il n'est pas, ...). En un sens, quand on s'y arrête, le nombre de raisons possibles à se mettre en colère peut donner le vertige. D'où l'importance d'en prendre conscience, et notamment des multiples occasions potentielles de se mettre en colère pour des broutilles. J'attire particulièrement l'attention aux personnes qui ont tendance à s'énerver, à s'agacer, facilement (ou à leur entourage) : l'énervement est une manifestation de la colère; une personne qui s'énerve pour tout et pour rien baigne dans l'émotion de la colère qui constitue un poison pour elle et pour son entourage.
  • les méfaits de la comparaison dans le domaine professionnel (sur laqvt.fr)
  • La méthode "Olé !" face aux affronts et à l'autoflagellation. Une méthode d'agilité qui permet de transformer avec une forme d'élégance la colère en émotion légère voire pétillante.
  • L'Attention Réciproque qui consiste à se prêter une attention mutuelle entre deux personnes ou entre deux collectifs (sur laqvt.fr). L'Attention Réciproque porte sur 3 dimensions : la réalité (c'est quoi ta vie, la situation à laquelle tu fais face), la perception (tes émotions, tes sentiments) et les aspirations (tes besoins, tes attentes, tes éventuelles demandes que tu n'oserais pas exprimer)
J'ajoute l'excès d'attribution : il s'agit d'une tendance qui se développe de nos jours, renforcée par le culture de l'excellence et de la défiance : l'attribution excessive de ce qui nous arrive de désagréable, fâcheux, ... Chaque fois qu'un événement ne se passe pas complètement comme prévu, il faut trouver un responsable voire un coupable. Et une fois trouvé, on aura aussi tendance à considérer que sa "faute" était intentionnelle, faisant fi du droit - universel - à l'erreur.

Le travail sur les croyances et les modes de pensée sont donc capitaux pour diminuer notre surface de colère, les comportements agressifs et leurs conséquences délétères qui s'avèrent souvent perdant-perdant. Parce que les colères basées sur les croyances négatives ou limitantes ne libèrent pas des tensions : elles les entretiennent, voire les renforcent, un peu comme une cigarette apaise la tension du manque tout en semant une nouvelle qui appellera la cigarette suivante. On peut d'ailleurs légitimement se demander si certaines personnes colériques ne sont pas autant attachés à leur colère que les fumeurs à leurs cigarettes et dans l'illusion que ça leur fait du bien alors qu'elle les consume et ce qui est autour avec.


L'enjeu est donc bien le contraire que celui de pouvoir libérer sa colère : il s'agit plutôt de se libérer d'une colère qui empoisonne et enferme.

(1) Vincent Delecroix : “À l’origine de la civilisation grecque, il y a la colère d’Achille” 

Pour accéder aux autres articles de ce mini dossier :


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