jeudi 24 septembre 2020

4 dimensions indissociables de bienveillance - Chronique sur la Bienveillance - Episode 4


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Cet article contient une (des) ressource(s) mise(s) en commun par Olivier Hoeffel

Voici le 4ème épisode de mes chroniques sur la bienveillance inspirées de l'actualité dans le cadre de mon travail de modélisation d'une Société de la Bienveillance.

Il est inspiré d'une vidéo merveilleuse dont je me suis délecté ce matin, dialogue à distance - pandémie oblige - entre Edgar Morin et Matthieu Ricard dans le cadre du festival "climax régénération 2020" à Bordeaux Darwin il y a quelques jours.


Cette vidéo va me permettre dans cette chronique d'en dire plus sur ma modélisation de la bienveillance en 4 dimensions, qui se décline à différentes échelles et que j'ai commencé à détailler dans l'article Bienveillance et cellule familiale. Dans l'article en question, je me suis intéressé à deux échelles : la cellule familiale et l'individu (en lien avec la cellule familiale à laquelle il appartient).

Edgar Morin a évoqué au début de sa prise de parole la coexistence de deux logiciels en chacun de nous : le "moi je", l'égocentrisme et le "nous" ; le premier ne pouvant s'épanouir qu'avec le deuxième, tout en étant attentif que le deuxième n'étouffe pas le premier. On peut voir derrière cette attention particulière une vigilance aux risques de l'oubli de soi. 

J'apporte ma propre contribution en indiquant qu'il s'agit non seulement de trouver un bon équilibre entre la bienveillance à soi et à la bienveillance au "nous", mais aussi de prendre conscience que nous faisons partie de plusieurs "nous" (sphère familiale, sphère professionnelle, sphère amicale, sphère des loisirs, sphère associative, ...)  et qu'il y aussi une question de juste engagement, de juste articulation, de juste équilibre entre les différentes sphères de vie.

Pour sa part, Matthieu Ricard a plutôt évoqué le duo "moi" et "l'autre" et l'altruisme. Il a évoqué aussi la coexistence de la coopération et de la compétition, la coopération étant particulièrement présente dans la nature et la nature humaine en cas de crise.

Ressortent donc nettement 3 dimensions de bienveillance au niveau individuel :

  • moi je,
  • toi et moi,
  • moi dans des "nous" (enjeu d'appartenance et de contribution)
Des dimensions de bienveillance qui sont aussi des dimensions de responsabilité : la responsabilité vis-à-vis de moi, de toi et des communautés et collectifs auxquels j'appartiens et auxquels il est important que j'apporte ma contribution. Il ne s'agit pas seulement de considérer que j'en suis bénéficiaire. Il ne s'agit pas que ce soit uniquement de bienveillance dans le sens communauté/collectif vers moi. En tout, il s'agit d'envisager la bienveillance de manière réciproque : celle que je reçois et celle que je donne, à quelque niveau que je me place.

Pour introduire le 4ème dimension de bienveillance, je vous propose de ne plus nous placer au niveau individuel mais au niveau collectif. Je choisis volontairement la sphère professionnelle car elle permettra de mieux introduire une notion fondamentale selon moi : la raison d'être.

Prenons donc le cas où le "moi" est non pas un individu mais une entreprise. L'entreprise a une responsabilité et un enjeu de bienveillance sur les mêmes trois dimensions :
  • par rapport à soi-même ; elle a une mission, une raison d'être (je reviendrai prochainement sur ce concept au niveau individuel et collectif), un objectif de continuité, et souvent même de développement dans un monde où l'on a du mal à envisager le futur autrement que dans une logique de croissance
  • par rapport à d'autres collectifs et d'autres individus (le "toi") pour lesquels il faut que l'entreprise apprenne à être bienveillante, loyale, respectueuse, aidante, y compris en considérant avec un niveau de bienveillance suffisant les entreprises concurrentes
  • par rapport aux territoires, communautés et collectifs auxquels l'entreprise appartient ; elle peut faire partie d'un groupe, d'une branche professionnelle, d'une zone d'activité ; elle fait partie naturellement des différentes strates de localisation (commune, cdc, pôle territorial, département, région, France, Europe, Monde). Elle y apporte sa contribution et prend sa responsabilité et son utilité sociétale
L'entreprise fait donc partie d'un tout et inversement elle forme un tout : elle comporte en particulier des êtres humains qui pensent, décident et font (produits et/ou services) pour concrétiser la mission à destination de bénéficiaires et/ou clients ... et prennent soin - à leur échelle et selon leur niveau de santé, de motivation et d'engagement - de la vie, survie, développement de "leur" entreprise. 
Selon la nature de son activité, l'entreprise peut comporter aussi des autres qu'humains vivants co-acteurs mais aussi, plus tristement en tant que matière première (par exemple dans l'agriculture d'élevage et l'industrie agroalimentaire). C'est un axe que j'ai appelé "Vous en moi". Dans la mesure où je n'ai pas voulu placer un axe spécifique pour la nature, ce qui aurait participé à une déconnexion entre l'être humain et la nature, vous remarquerez que le "vous" concerne aussi bien les humains que les autres qu'humains. Des autres qu'humains qui ne sont pas considérés comme des ressources que l'on exploite, et encore moins comme de la matière inerte.

"Moi dans des nous" et "Vous en moi" constituent un axe vertical caractéristique de ce que l'on appelle un "holon". Un holon est une entité qui est à la fois un tout et fait partie d'un tout. J'ai pris ci-dessus l'exemple de l'entreprise. Autre exemple : la cellule familiale est un tout (un ensemble de personnes) et fait partie d'un tout (notamment comme foyer fiscal au sein de la République Française pour une famille de nationalité française résidant en France).
"Holon" a la même racine que "holistique". La modélisation sur 4 dimensions dont je présente le schéma ci-dessous procède d'une approche holistique qui permet de considérer la bienveillance à plusieurs échelles possibles de la plus large (échelle planétaire) jusqu'à l'échelle individuelle :


Si on revient à l'échelle individuelle, à quoi correspond la dimension bienveillante du bas "Vous en moi" ? Elle représente la bienveillance, l'attention, les actions que je mène pour prendre soin de ma santé physique (mes organes, mes microbiotes), psychique et sociale.

Par ailleurs, dans cette vidéo, a été mis en lumière ce qu'Edgar Morin a présenté comme une carence et Matthieu Ricard comme un paradoxe : le fait que notre santé mentale et nos qualités humaines devraient faire l'objet d'une prise en considération et d'actions spécifiques pour les entretenir et les développer. En effet, il nous semble normal dans notre société de dépenser du temps et de l'énergie pour apprendre à lire, à développer nos compétences professionnelles, nos pratiques artistiques et sportives, .... mais pourquoi ne consacrons-nous pas aussi du temps et de l'énergie à élever nos qualités humaines et à prendre soin de notre santé mentale ? Un appel à investir cette dimension individuelle "Vous en moi" pas seulement à travers des actions sur l'alimentation, le sommeil, l'activité physique et l'évitement de conduites à risque pour la santé physique, mais aussi à travers de l'énergie et du temps pour développer, muscler nos capacités humaines qui contribuent à une approche gagnant-gagnant indissociable de la culture de la bienveillance. 

Matthieu Ricard s'est d'ailleurs exprimé sur le sujet invitant à ce que l'altruisme et la coopération soient enseignés à l'école et qu'on en parle haut et fort. Selon ses propos, que bien entendu je partage totalement, l'individualisme est perdant et avec l'altruisme, tout le monde y gagne. Et pour que tout le monde y gagne, il faut individuellement et collectivement investir de manière indissociable. Chacun peut faire sa part, donner envie à d'autres de rejoindre un mouvement de contagion qui une fois une masse critique atteinte fera basculer notre société vers une société de la bienveillance.

Pour conclure, je reprends les propos que Matthieu Ricard a tenu sur l'éducation : il ne s'agit pas de remplir un contenant, mais d'allumer une bougie. La bienveillance ne s'apprend pas par du savoir mais elle s'allume, vit, se vit et se propage.



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