mardi 15 septembre 2020

Bienveillance ET exigence - Chronique sur la Bienveillance - Episode 3

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Cet article contient une (des) ressource(s) mise(s) en commun par Olivier Hoeffel

Voici le 3ème épisode de mes chroniques sur la bienveillance inspirées de l'actualité dans le cadre de mon travail de modélisation d'une Société de la Bienveillance.

Je lisais récemment le début d'un article consacré à un adjoint au maire d'une commune dont l'action était résumée ainsi : entre bienveillance et exigence.

Je vous propose de faire ensemble le chemin qui nous conduira de "entre bienveillance et exigence" à la formulation "conjuguer bienveillance et exigence".


Entre bienveillance et exigence 

Cette formulation place l'exigence comme concept opposé à la bienveillance : plus on est bienveillant et moins on est (on peut être) exigeant, et inversement plus on est exigeant et moins on est (on peut être) bienveillant. Considérer ainsi la bienveillance la place comme un extrême qui serait incompatible avec l'exigence. Un extrême qui fait flirter la bienveillance avec "trop gentil" et complaisance, jusqu'à l'idée de laxisme voire d'anarchie.

En échangeant autour de moi sur le sujet de la bienveillance, il m'est fréquemment retourné qu'en usant de la bienveillance on risque de perdre le contrôle, l'autorité, le respect, ...

Avec une telle conception, il ne faut pas s'étonner que la bienveillance soit considérée par certaines personnes comme inopérante, irréaliste, sentant fort (mauvais) le monde des bisounours. Au mieux, comme le sous-entend la formulation "entre bienveillance et exigence", une bienveillance acceptable et/ou opérante serait à chercher comme point d'équilibre entre bienveillance et exigence où il faudrait lâcher à la fois sur la première et sur la deuxième.

La bienveillance est exigeante

Ma conviction est que l'attitude bienveillante est particulièrement exigeante en soi. Je m'appuie sur ma modélisation de la bienveillance autour de 4 axes que j'ai présentée dans l'article Bienveillance et cellule familiale et en fil rouge d'un processus observer-penser-ressentir-décider-parler-agir décrit dans l'article La bienveillance en pensées, en paroles, en actions, ...



Les 4 axes pour le niveau "cellule familiale"

Une autre conviction, indissociable de la première, est que bon nombre de défauts de bienveillance (absence de bienveillance ou malveillance) sont causés par la facilité et/ou le manque de temps. Du fait d'une forme de flemmardise, de négligence et/ou de la course au temps l'être humain n'est pas dans la bienveillance.

Je donne quelques exemples dans divers domaines pour clarifier mon propos :
  • il est plus facile pour un père de famille de se comporter en patriarche (le poids de la culture patriarcale aidant beaucoup), de considérer sa femme comme une femme à tout faire et ses enfants comme n'ayant pas droit à la parole, de considérer les choix de la cellule familiale par le filtre de ses seuls intérêts (sa carrière, ses loisirs, son bon vouloir, ...) plutôt que de se répartir équitablement les tâches d'éducation et domestiques avec sa femme, de responsabiliser ses enfants, de se comporter en homme juste (cf mon article Moi, homme masculin). C'est être bienveillant pour un père de famille de se comporter en homme juste vis-à-vis de son conjoint (femme ou homme) et de ses enfants
  • il est plus facile de mettre en place une organisation hiérarchique dans un collectif de travail avec un principe clé : celui (ceux) qui décide (et qui sait) et ceux qui font. Il est plus facile de fixer un objectif unilatéralement que de le coconstruire. C'est être bienveillant que de faire participer un individu aux objectifs qu'il doit poursuivre et qui sont poursuivis collectivement. A minima, c'est bienveillant de s'assurer qu'il se sent capable de les assumer.
  • il est plus facile d'utiliser un désherbant chimique pour enlever les mauvaises herbes dans sa cour plutôt que de les arracher à la main. C'est être bienveillant que de protéger les autres qu'humains dans ses actes du quotidien
  • il est plus facile de faire rédiger les statuts d'une association par une voire deux personnes puis de les faire approuver en assemblée générale par des membres de l'association qui ne les auront à peine lu ou pas du tout lu, plutôt que de mettre en place un processus de coélaboration intégrant un travail sur la raison d'être et un processus d'intégration comportant l'acculturation à cette raison d'être et aux statuts. C'est être bienveillant envers les membres les plus investis, les membres les moins investis et l'association elle-même que de se donner le temps de bâtir ensemble une raison d'être, une gouvernance et des pratiques qui prennent soin des individus et des collectifs.
  • il est plus facile de partir en voyage avec une formule "all inclusive" loin en avion dans un pays pauvre en prise avec une dictature si on en a les moyens, que de se poser les questions d'ordre éthique sur les impacts de son voyage et de procéder au choix d'une destination en cohérence avec ses convictions (éventuellement affirmées haut et fort).
A la lecture de ces exemples, il pourra peut-être vous venir à l'esprit qu'une telle bienveillance serait non seulement exigeante mais chia... (désolé pour le côté trivial, mais ainsi la chose est écrite comme elle serait pensée et dite).
On peut faire un parallèle avec la gratitude. Pendant des générations, la gratitude a été inculquée façon "dis merci à la dame" ou "rend grâce à Dieu". Pas de quoi faire vivre une motivation intrinsèque alors que la gratitude est en premier lieu d'abord une émotion positive pour celle ou celui qui la ressent.

En réalité, les motivations à la bienveillance sont multiples et peuvent se conjuguer pour certaines :
  • un affichage manipulateur, avec des pratiques en décalage plus ou moins grand avec le mot "bienveillance" largement étalé
  • la morale (éventuellement d'inspiration judéo-chrétienne)
  • l'éthique
  • le cœur : l'amour, la compassion, l'altruisme
  • le bon sens et l'évidence : notre monde se porterait bien mieux avec plus de bienveillance
  • une approche gagnant-gagnant où toutes les parties prenantes humaines et autres qu'humaines sont considérées, respectées, valorisées et préservées au sein d'écosystèmes

Soyons bienveillant avec la bienveillance !

Puisque la bienveillance nécessite en partie de résister à la facilité, il faut bien convenir d'un point capital : la bienveillance est exigeante et difficile. Elle est toujours imparfaite surtout quand c'est le regard d'autrui qui l'observe, voire la juge. Pour moi qui essaye de la pratiquer depuis maintenant un certain temps, je suis convaincu qu'elle se tâtonne, qu'elle s'expérimente ; elle est tellement plurielle qu'on en oublie forcément des composantes ou parties prenantes. Je suis convaincu que la perfection n'existe pas en général et moins encore pour la pratique de la bienveillance. Il est tellement facile de prendre en défaut la bienveillance chez les autres, même les plus avancés et les plus irréprochables.

En matière de bienveillance, il nous faut avancer individuellement et collectivement à la fois avec détermination, humilité, indulgence et appréciation. Il nous faut le faire pour coconstruire des territoires et une société de la bienveillance.





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