lundi 22 février 2021

Gare à la comparaison biaisée ! Chronique sur la Bienveillance - Episode 21

 


Vous voulez suivre l'actualité de ce blog ? Abonnez-vous ! 

Voici le 21ème épisode de mes chroniques sur la bienveillance inspirées de l'actualité dans le cadre de mon travail de modélisation d'une Société de la Bienveillance.
Dans cette période difficile que nous traversons, il est assez facile de se sentir remonté contre autrui qui serait plus privilégié que nous. Sauf que l'on risque fort de ne pas être juste car bien souvent, nous avons une drôle de façon de comparer notre sort avec celui d'autrui. Ce qui peut nous amener à la forme d'aberration illustrée en tête d'article.

La comparaison biaisée évoquée dans le présent article

La comparaison biaisée dont il serait bien qu'on apprenne à nous déshabituer est la suivante :

Je compare les problèmes, inconvénients et côtés négatifs de ma propre situation avec les avantages, les côtés positifs d'autrui

Autant dire, bien entendu, qu'à tous les coups je perds : je me trouve moins bien loti que toi, et peut-être même que je trouve que c'en est indécent.


Les conséquences sont multiples et peuvent mener très loin dans le ressentiment et la malveillance :
  • au mieux, je vais jouer à Caliméro "C'est vraiment trop inzuste !"
  • je vais peut-être avoir du ressentiment, de l'envie, de la jalousie
  • au pire, il s'agira d'aller prendre ce que tu as injustement (d'après mon analyse biaisée), voire te détruire toi (entendu individuellement ou collectivement)

La comparaison biaisée par rapport à toi

Tu fais partie de ma famille, de mes amis, de mon collectif de travail, de mon voisinage, ... Il y a des situations où j'ai l'impression (ou je constate) que moi je suis confronté à des difficultés et que toi pendant ce temps, tu bénéficies d'avantages qui, si je pouvais les avoir, changeraient ma vie. Et peut-être pire : c'est l'histoire de ma vie et l'histoire de ta vie : je suis mal servi et toi trop bien servi. 
Cette conclusion, je la bâtis en considérant principalement, voire exclusivement, ce qui ne va pas dans ma vie et ce qui va bien dans ta vie. En cela, je fais l'impasse sur ce qui va bien dans ma vie et sur ce qui ne va pas dans ta vie.
Une comparaison qui peut se jouer aussi au sein du couple, notamment sur le sujet de la vie professionnelle de part et d'autre, ou de la contribution respective au fonctionnement de la cellule familiale.

Comparaison biaisée par rapport à un autre groupe : dichotomie et asymétrie

Le même type de comparaison biaisée se retrouve quand il s'agit de me positionner par rapport à un groupe socio-professionnel, un métier, un statut professionnel, ... qui n'est pas le mien. Quelques exemples de situation et de formulation :
  • "Les hommes politiques sont tous des pourris : ils s'en mettent plein les poches". En notant le caractère de généralisation.
  • Je fais partie du service technique. "Y en a marre des commerciaux ! Ils ne pensent qu'à une seule chose : rentrer des commandes à n'importe quelles conditions pour obtenir leurs commissions. Et c'est nous qui devons nous débrouiller derrière". Inversement, les commerciaux pensent que les techniciens sont timorés et voient des problèmes partout.
  • Je suis salarié dans le privé et je peste contre les avantages des fonctionnaires
Ressortent donc quatre phénomènes liés à la comparaison biaisée
  • la généralisation : tous les individus du même groupe sont considérés à la même enseigne. C'est ce qu'on appelle l'amalgame.
  • une tendance à la polarisation où des groupes se regardent en chien de faïence, se jalousent, s'envient, se méfient, voire se détestent, se haïssent mutuellement
  • un mécanisme de montée en mayonnaise : chaque fois que je vais discuter avec les membres de mon groupe ou de ma communauté, nous allons faire monter le niveau de ressentiment envers le groupe ou la communauté incriminée
  • une tendance à la focalisation : comme un radar qui serait mal réglé, je vais chercher en toute situation à confirmer que mon ressentiment est on ne peut plus justifié.

Deux types de relation sont susceptibles de particulièrement générer ce type de comparaison si le niveau de bienveillance n'est pas suffisant :
  • les relations asymétriques dans lesquelles se joue souvent l'autorité d'une partie par rapport à l'autre ; exemples : entre parent et enfant, maître et élève, sachant et apprenant, médecin et patient, aidant et aidé, élus et citoyens, ...
  • la dichotomie : des groupes sans relation hiérarchique ou d'autorité qui s'opposent ... souvent inutilement ; d'autant plus quand chacun a son utilité et qu'ils sont complémentaires. Exemple : privé et public, automobilistes et piétons, citadins et ruraux, technique et commercial, différentes communautés (religion, pays, région, race, supporters de clubs sportifs, ...)

La comparaison biaisée de moi à moi

Cela vous paraîtra un peu bizarre de décliner la comparaison entre soi et soi. Cela a-t-il du sens ?

Voyez plutôt ces deux types de situation qu'il serait étonnant que vous n'ayez jamais vécu :
  • la nostalgie : je compare ma situation d'aujourd'hui avec ce que j'ai vécu auparavant. Par exemple, sur la question des impacts de l'âge : avant, je pouvais faire du footing. Maintenant, avec mon dos en compote, il n'en est plus question. Le risque dans ce genre de comparaison est là-aussi de basculer dans la comparaison biaisée et d'en tirer une conclusion générale sur ma vie : avant, j'étais jeune heureux·euse et maintenant je suis vieux/vieille et malheureux·euse (de ne pas être jeune). Sauf qu'à l'époque où je faisais du jogging, je me sentais malheureux·euse parce que je n'avais personne dans ma vie. Ce qui est le cas aujourd'hui et je suis heureux·euse dans mon couple.
  • Avec des si je refais mon monde : je vis une situation difficile. Peut-être vais-je me référer à un moment où j'ai pris la décision qui m'a amené à cette situation. Si j'avais pris l'autre option qui était en balance à l'époque, ce serait sûr que je n'aurais pas toutes les difficultés que je rencontre. Ou alors, peut-être vais-je tout simplement me dire que si j'avais en main des atouts que je n'ai pas, la situation serait meilleure. Sauf que si la situation aurait pu être différente, elle aurait pu être meilleure sur certains aspects, certes, ET AUSSI moins bonne sur d'autres aspects. Et en outre, puisqu'on est au conditionnel, rien n'aurait été acquis non plus que le positif soit au rendez-vous ou à la hauteur de mes attentes.

Sortir de la comparaison biaisée

Je vous propose un tableau en deux colonnes où je liste à gauche de quoi souffre cette comparaison biaisée et à droite des idées générales pour sortir de ce piège :

De quoi souffre la comparaison biaisée

Sortir de la comparaison biaisée

Un manque de rationalité : comparer mes inconvénients avec tes avantages est irrationnel

Rationalité : Comparer mes inconvénients et mes avantages d’un côté avec tes avantages et tes inconvénients de l’autre

Unilatéral : tout part de mon point de vue et tu n’as pas ton mot à dire

Bilatéral : un croisement de regard où chacun en apprend sur l’autre en acceptant/valorisant la différence et la diversité

Un manque d'attention : la comparaison étant centrée sur moi, je ne prête pas attention à ta situation, à ton ressenti, tes aspiration et attentes

Attention Réciproque : Je m’intéresse à ta situation, à ton ressenti, et à tes aspirations et attentes, et pourquoi pas t’inviter à en faire de même ?

Des méconnaissances : en fait, je me compare à toi alors que je ne te connais pas assez

Connaître et reconnaître : S’il doit y avoir comparaison, il me faut chercher à te connaître et, se faisant, je serai en capacité de te donner de la reconnaissance

Le manque de temps : le temps presse, alors je vais au plus vite dans ma façon de comparer

Donnons-nous du temps : Nous nous donnons le temps d’une Attention Réciproque

La facilité, la paresse intellectuelle : en réalité, je tombe dans la facilité à comparer en restant à la surface des choses

Exigence dans la façon de comparer : j’ai conscience que si je veux comparer correctement, c’est un exercice exigeant

Injustice : un raisonnement qui pousse au jugement lapidaire

Justice : je cherche à être juste dans ma façon de comparer et à éviter de te juger

Déconnexion et distance : plus je compare de manière lapidaire, plus je crée de la distance entre nous

(Re)Connexion et proximité : plus je m’intéresse à toi, plus je crée de la proximité

Cercle vicieux du ressentiment : plus je crée de la distance artificiellement, plus j’ai du ressentiment et prends le risque de la malveillance envers toi (et vice-versa)

Cercle vertueux de l’appréciation : plus je crée de la proximité, plus je t’apprécie, plus j’ai tendance à vouloir prendre soin de toi. Si je t’apprécie, je serai moins poussé à me comparer à toi.

Conclusion : Une habitude à comparer tout le temps et de superficiellement

Conclusion : Comparer le moins possible, à bon escient en suivant les conseils  précédents

On voit donc que la comparaison biaisée repose sur un déficit de bienveillance (malveillance ou absence de bienveillance) qu'elle renforce dans un cercle vicieux. Un cercle vicieux impactant négativement et bien inutilement notre bien-être individuel et le vivre-ensemble dans notre société, dans nos communautés et entre nos communautés.

En cultivant la bienveillance, nous comparons mieux et moins souvent. Toute la pratique d'Attention Réciproque qui nous fait comparer avec justesse renforce la proximité et la connexion aux autres, contribuant à un cercle vertueux. Un cercle vertueux dans le cadre d'une Société et des Territoires de la Bienveillance.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire