vendredi 1 décembre 2023

Bienveillance : chacun a une main pour donner et une main pour demander et recevoir

Dans mon précédent article intitulé Voir et (se) rendre visible et accessible : une double dynamique de Bienveillance et d'Attention Réciproque, j'ai évoqué l'enjeu d'une telle dynamique pour la bienveillance et pour une bonne coopération dans notre société.

J'y ai évoqué l'intérêt pour chacun individuellement et aussi pour chaque communauté et collectif de se donner du temps pour voir et donner à voir situations, émotions, besoins, aspirations, besoins, être et faire.

Dans le présent article, je vais donner un sens particulier à voir et à donner à voir :

  • "Voir" dans le sens : veiller (le "veillance" de "Bienveillance", porter attention et donner de la bienveillance (le "Bien" de "Bienveillance) (cf La Bienveillance en deux mots)
  • "Donner à voir" dans le sens : exprimer ses attentes en matière de bienveillance et leur potentiel prolongement : accueillir les actes bienveillants envers soi
Je vais donc ici aborder la bienveillance pour demain et à deux mains

  • une main pour donner de la bienveillance,
  • et l'autre main pour demander de la bienveillance (voire inviter à la bienveillance) et accueillir la bienveillance
Et la symbolique de la main me semble pertinente car on tend à la fois la main :
  • pour donner : "tiens, prends ce que je te donne" ;
  • pour demander (notamment le geste de l'aumône dans la rue) et pour recevoir ce qu'autrui nous donne.
Sachant que par ailleurs, très souvent ce qui quitte une main qui donne va dans une main d'une autre personne qui reçoit (cette dernière ayant pu demander ou non).

Soyons des ambidextres de la bienveillance !

La plupart d'entre nous avons dans la vraie vie une main privilégiée, droitier ou gaucher. Pour les deux mains de la bienveillance, c'est un peu la même chose, avec deux situations extrêmes : 
  • les personnes qui campent dans une posture d'aidant et ont tendance à oublier leurs propres besoins ; la main qui donne toujours devant, la main qui demande toujours dans le dos ; 
  • inversement, il y a aussi des personnes qui ont tendance à attendre tout du monde et d'autrui ; elles sont tellement focalisées par leurs propres besoins, qu'elles ont tendance à oublier la bienveillance à autrui (et soit dit en passant, souvent l'oubli de la gratitude - la gratitude constituant un élément de bienveillance) : la main qui demande toujours devant, et la main qui donne toujours dans le dos.
Mon invitation qui fleure bon à la fois la bienveillance et l'assertivité est de trouver de la fluidité dans nos deux capacités qui me semblent indissociables : celle de donner de la bienveillance et celle de demander et de recevoir de la bienveillance.

Pour ce faire, il s'agit de chasser quelques fausses croyances, et notamment :
  • l'altruisme est forcément désintéressé et sans conditions : ma vision de la bienveillance est que tout acte de bienveillance mérite d'être accueilli dans la bienveillance et que la personne bienveillante peut inviter à cela la personne aidée si nécessaire (forme de contrepartie minimum de bienveillance) ;
  • la posture sacrificielle dans certains métiers et dans certains collectifs (notamment dans les associations) : une personne qui fait preuve de bienveillance envers un public, un collectif, ... pourrait (devrait ?) attendre que ce public, ce collectif prenne aussi soin d'elle ; cela me semble à la fois juste et vertueux fonctionnellement (cf mon article Soyons pressés de bien donner ! );
  • On ne peut pas dire non à une demande : la bienveillance à autrui doit être indissociable de la bienveillance à soi-même exercée par soi-même ET attendue de la personne (ou du collectif) qui demande ; et donc, il y a des situations où il est souhaitable de dire non même si cela ne fait pas plaisir, ou pire même s'il y a de potentiels impacts négatifs ; à impossible nul n'est tenu, en intégrant la bienveillance à soi-même ;
  • La fin du monde à tout bout de champs "Je suis indispensable. Si je ne le fais pas, personne ne pourra le faire (ou personne ne le fera)" : savoir poser le stylo et mettre les autres devant leurs responsabilités se révèle bien souvent la stratégie qui fait vraiment bouger les choses dans le fonctionnement et sur le plan de la bienveillance
  • Le diktat de l'urgence : je renvoie à mon article Very very … urgent sur laqvt.fr ; il se trouve que très clairement, la bienveillance nécessite de se donner du temps et que l'urgence est probablement l'ennemi le plus puissant de la bienveillance.
Il me semble que l'on peut viser dans toute interaction que chacun puisse jouer de ses deux mains. Evidemment, selon les situations, une main sera carrément plus devant que l'autre, mais jamais l'une ne devrait se trouver trop en arrière-plan, voire l'oubliée de l'interaction :
  • dans les situations où je donne particulièrement de la bienveillance, je suis aussi attentif à mes besoins (dont mes besoins de  bienveillance) ;
  • dans les situations où je demande particulièrement de la bienveillance ou alors où je vais en recevoir, je suis attentif à prendre en compte les besoins de qui fait acte de bienveillance envers moi.



Les gens qui ne demandent jamais rien à personne, ça existe vraiment ?

Je profite de cet article pour évoquer cette question. Quand il m'arrive de croiser des personnes qui revendiquent avec plus ou moins d'aplomb qu'elles ne demandent jamais rien à personne et qu'elles se sont faites toutes seules, je pense immédiatement à l'idée de besoin implicite et besoin explicite, et par ailleurs à deux valeurs qui me semblent leur fait défaut : l'humilité et la gratitude.

Ces personnes ont-elles bien dormi la nuit précédente ? Vous allez peut-être penser "Quel rapport ?" Ou alors que ce genre de propos serait lié au fait qu'elles auraient été mal lunées faute d'un sommeil réparateur (faute peut-être lui-même de la position de la lune ?).

Suivez plutôt mon raisonnement. Toute personne qui se trouve à se réveiller dans un bon lit sous un toit protecteur, et en hiver à une température d'environ 18° (en suivant les conseils de l'ADEME) peut tout à la fois remercier ceux qui ont construit les matériaux du logement, qui ont construit le logement, qui ont fabriqué le lit, ont été parties prenantes du fait qu'elle se trouve avec les 18° dans sa chambre. Il y a aussi toutes celles et tous ceux qui ont été là et sont là pour que la fée électricité la suive comme sa bonne fée tout au long de sa journée, et notamment pour la probable étape suivante : la douche. 
Chaque matin, elle ne va pas demander explicitement à son fournisseur de lui allouer de l'électricité. C'est implicite. Elle a son abonnement ... et surtout facteur puissant de l'oubli de la bienveillance reçue : elle paye, et elle paye même cher, donc faudrait pas non plus exagérer !

Il suffit de voir des reportages dans des pays où l'électricité ou/et l'eau est délivrée au compte-goutte pour prendre conscience que beaucoup de choses banales dans notre vie sont le trésor attendu par d'autres personnes plus ou moins loin (et quelques fois moins loin qu'on peut le penser, notamment avec les aléas climatiques en France dont la fréquence et l'intensité augmentent, comme partout ailleurs).

Donc effectivement, si certaines personnes ne demandent explicitement rien, en réalité, elles en demandent tout de même implicitement, et surtout, elles reçoivent beaucoup dans leur vie de tous les jours. Seulement, ça ne vaut rien puisqu'elles l'ont payé (bien trop cher comme je le disais précédemment). Avec un piège cognitif assez conséquent : ces personnes ont tendance à dire qu'elles vont quitter la France pour d'autres cieux ... où je gage qu'elles recevront en réalité beaucoup moins que ce qui leur est alloué généreusement par la nature et par une société riche en comparaison avec d'autres pays.

Prendre conscience que l'on demande implicitement d'une main, c'est se donner la possibilité de jouer de l'autre main : prendre en compte les besoins de ceux qui nous procurent invisiblement les produits et services dont nous disposons, les apprécier, les remercier.


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