Echelle de la Bienveillance

NOUVEAU : désormais tous les contenus sur l'idée de Société et de Territoires de la Bienveillance sont publiés sur mon blog dédié autourdelabienveillance.fr qui reprend tous les éléments de modélisation présentés sur ce blog et je vous invite donc à vous rendre sur le dit blog pour tout ce qui a trait au sujet de la Bienveillance. Olivier Hoeffel

Cette page est consacrée à la présentation d'un élément central de modélisation de la Société et de Territoires de la Bienveillance à laquelle je réfléchis et travaille depuis 2019 : une échelle de la bienveillance avec 3 segments, permettant notamment de sortir d'une vision binaire de la bienveillance.

1/ Sortir d'une vision binaire "malveillance/bienveillance"

Dans un monde où beaucoup de choses sont vues à travers une vision en noir et blanc, et où on s'appuie facilement sur les opposés bien/mal, valeur/anti-valeur, ... il est assez facile de réduire l'évaluation de la bienveillance dans une situation avec deux états : bienveillance et malveillance. Et encore pire, de mettre une une de ces deux étiquettes sur une personne, et notamment l'étiquette "malveillante".

Et pourtant notre société sait évaluer non pas sur deux états possibles, mais sur trois.

Je prends l'exemple des violences conjugales. Prenons la situation où un homme frappe violemment sa femme/compagne/... en pleine rue, la mettant en danger. C'est un acte de malveillance caractérisée, une agression pour laquelle il peut être poursuivi et condamné.

Une personne est témoin : elle voit l'agression, et l'agresseur et l'agressée voient le témoin. Si ce témoin détourne son regard et file sans demander son reste, il fait preuve d'une absence de bienveillance.
La bienveillance voudrait que la personne témoin intervienne, ou si elle sent qu'elle met sa vie en danger, elle doit appeler de l'aide, appeler les forces de l'ordre. En se défilant, elle peut être poursuivie pour non-assistance en personne en danger (notion pas forcément bien connue précisément par la population). En cela, notre société poursuit non seulement des actes relevant de la malveillance caractérisée (ici l'agresseur) mais aussi certains actes relevant de la passivité, de l'absence de bienveillance ou de la non-dénonciation d'auteurs d'actes répréhensibles.

En revanche, si la personne témoin intervient et sauve la vie de la personne agressée, il est possible qu'elle soit honorée par la société à travers une médaille (et plus elle aura possiblement sauver des vies, plus elle sera distinguée par la société).

A travers cette même situation, on distingue 3 types de comportement dont un pose carrément soucis et un deuxième peut poser aussi soucis selon le type de situation, mais pas dans toutes :

  • le comportement de malveillance qui peut être poursuivi devant la justice s'il constitue un délit ou un crime
  • le comportement d'absence de bienveillance ; et il faut distinguer deux cas de figure :
    • ne pas faire le bien qu'on se doit de faire (dans mon exemple précédent, la non-assistance à personne en danger) et qui est de la non bienveillance, au même titre, mais pas sur le même registre, que de la malveillance
    • ne pas faire le bien qu'on pourrait faire (par exemple, sur un autre type de situation, ne pas prendre le temps d'aller discuter avec sa voisine de pallier qui est seule et ne reçoit pas de visites)
  • le comportement de bienveillance, qui, le cas échéant, peut être gratifié

2/ D'autres situations pour mieux comprendre

A/ Dans la cour de l'école

Imaginons cette fois, un attroupement d'écoliers dans la cour d'école en train de se moquer d'un élève en sa présence. Tous les enfants présents qui se moquent font preuve de malveillance.

Dans l'attroupement, il y a aussi des élèves qui ne trouvent pas ça forcément très cool ou gentil, ne participent pas directement aux moqueries, mais s'abstiennent de réagir, voire rient bêtement comme geste de contenance. Il y a aussi d'autres élèves qui passent par là, sentent la situation à distance, la trouvent malsaine, et passent leur chemin pour vaquer à d'autres occupations ; peut-être en plaignant vaguement par la pensée la tête de turc. Il s'agit d'absence de bienveillance, voire de complicité de malveillance.

Et puis il y a un élève qui prend la défense de l'élève moqué. Bien qu'il soit seul à le défendre, il est fort possible que cela inverse le rapport de force et que les meneurs malveillants lâchent prise car plusieurs élèves dans la posture "absence de bienveillance" rejoignent l'élève bienveillant.

On voit bien dans cette situation en quoi l'absence de bienveillance n'est pas une posture neutre. Un "ni bienveillant, ni malveillant" qui bien souvent pose problème en terme de fraternité, de solidarité.


B/ Revenons au couple, pour des situations plus "banales"

Voici 3 types de comportement que l'on peut trouver dans un couple, le même couple pouvant se trouver à manifester tel ou tel de ces types de comportements, selon le moment.

Certains entendent le principe "qui aime bien, châtie bien" comme une autorisation à se parler vertement et à se reprocher des choses de manière agressive (l'inverse de la Communication Non Violente). Et il est frappant de constater que souvent dans une relation affective, dès lors que la phase de séduction de départ s'étiole, on s'autorise à parler mal à l'autre (en tout cas, pas du tout avec les mêmes gants qu'au début). On s'aime, OUI, MAIS on s'apostrophe, et c'est comme du poison en intraveineuse qui finit par user le couple. De tels comportements sont à considérer comme de la malveillance banale, de la malveillance du quotidien mais de la malveillance en disant les choses clairement.

Avez-vous vu le film Ghost datant de 1990 de Jerry Zucker avec Demi Moore et Patrick Swayze, avec une musique de film de Maurice Jarre qui reste dans beaucoup de mémoires ? Le personnage joué par Patrick Swayze a un comportement type qu'un certain nombre de femmes regrettent/reprochent : dégager en touche quand il s'agit de dire "je t'aime". Dans ce film, le personnage répond à plusieurs reprises pendant la première partie du film "Idem" au "Je t'aime" de sa femme. Ne pas dire à l'autre des mots d'amour, ne pas écouter ses difficultés, états d'âme, la laisser prendre en charge sans sourciller toutes les tâches ménagères (même si elle ne s'en plaint pas), envisager son avenir professionnel sans conjointement envisager le sien, ... voilà autant de comportements qui relèvent de l'absence de bienveillance.

En revanche, tous les gestes évoqués précédemment sont des actes de bienveillance. Et on comprend en quoi ne pas le faire peut créer du mal-être et que l'absence de bienveillance n'a rien de neutre. Beaucoup de séparations de couples sont issues d'absence de bienveillance et pas seulement de malveillance caractérisée. L'absence de bienveillance suscite presque inévitablement des tensions qui peuvent mener à de la malveillance dans un mode crescendo. De la même façon, à l'échelle parentale, j'entends régulièrement autour de moi des personnes de ma génération qui regrettent qu'un de leurs parents, ou leurs deux parents ne leur ont jamais dit "je t'aime" ou/et "je suis fier de toi". En cela, les dits parents ont été élevés dans une culture du "Il vaut mieux le prouver sans forcément le dire que le dire sans le prouver", alors que "dire" l'amour et l'affection fait partie (in)constestablement à notre époque des preuves, des besoins d'amour, du bien-être psychique.

Et si j'évoque 3 états (malveillance, absence de bienveillance, bienveillance), il s'agit plutôt en réalité de 3 segments, 3 zones. Par exemple pour la malveillance, il y a un spectre assez large entre un "Tu me fais CH... !" et un féminicide. Un des enjeux étant le risque d'engrenage allant du premier au dernier, posant la question cruciale : entre tolérance et indignation, où mettre les limites ? (cf mon article Tolérance ET Indignation - Chronique sur la Bienveillance - Episode 16)

C/ Niveau de bienveillance en milieu professionnel

En tant que spécialiste de la Qualité de Vie au Travail (QVT), j'ai été frappé, notamment dans le secteur de l'Economie Sociale et Solidaire (ESS), que le déficit de QVT, les RPS, le mal-être dans sa vie au travail relèvent souvent plus de l'absence de bienveillance que de la malveillance.

En effet, ce n'est pas forcément qu'un manager soit maltraitant intentionnellement ou non envers ses équipiers, mais c'est plus souvent que pris par le diktat de l'urgence et par l'importance de la mission, il ne porte pas attention à leur situation (dont leur santé physique, psychique et sociale), leurs perceptions, leurs aspirations, leurs besoins, leurs attentes. Ce que je dis au niveau du manager, l'est souvent tout autant vu de l'organisation, même quand cette dernière porte un projet altruiste. L'enjeu étant pour l'organisation de porter au moins autant d'attention, aux porteurs du projet que le projet lui-même et ses bénéficiaires.

3/ Une échelle avec 3 segments, un continuum

Voici donc un des éléments centraux de mes travaux de modélisation : un continuum, une échelle de la bienveillance avec 3 segments : la malveillance, l'absence de bienveillance (qui coïncide aussi avec une absence de malveillance) et la bienveillance.

La première chose à noter, essentielle, est que le segment central d'absence de bienveillance n'a rien de neutre comme je l'ai évoqué dans les exemples précédents.  Avec une idée simple que l'on peut retenir : l'indifférence fait mal, elle peut tuer. A noter que des expériences sur les rats ont même montré qu'un rat sans interaction avec l'extérieur dépérit plus vite qu'un autre rat que l'on stimule négativement périodiquement avec des chocs électriques.  Par ailleurs, Le déni empêche d'avancer et peut laisser s'aggraver une situation qui se dégrade (donc sa rétroaction négative pour revenir à l'équilibre), et je pense notamment à l'urgence climatique.


Cette page est en cours de construction et en attendant ...

Les articles de ce blog qui évoquent l'échelle de la bienveillance :


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire