vendredi 17 décembre 2021

Pique, pique et colère tonne - Chronique sur la Bienveillance - Episode 37

  


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Voici le 37ème épisode de mes chroniques sur la bienveillance inspirées de l'actualité dans le cadre de mon travail de modélisation d'une Société de la Bienveillance.
Cette chronique m'a été inspirée par un sentiment de gâchis que je ressens de manière très récurrente depuis des années à la lecture d'emails (dont je suis destinataire ou que l'on me transmet pour analyse avec ma grille de la bienveillance), de forums et d'écrits via les réseaux sociaux.

Il était une fois ... l'email

Je considère que l'arrivée de l'outil de messagerie électronique dans le milieu professionnel dans les années 1980 (dont j'ai fait partie des premiers utilisateurs) puis dans la vie privée a considérablement augmenté la fréquence de l'agressivité et des conflits dans nos écosystèmes humains. 


Quel changement monumental est-il entré avec l'email dans notre quotidien ? Il y en  a trois qui se conjuguent de mon point de vue :
  1. ce que l'on disait entre 4 yeux avant, on s'est mis à l'écrire - à tort et à travers - notamment par facilité. Je t'envoie un email, car ça m'évite de me lever de ma chaise, car tu n'es pas dans ton bureau et ça m'évitera d'oublier de te le dire, car c'est plus facile d'oser te l'écrire que de le dire, ...
  2. on a la gâchette facile avec l'email, bien loin de la bonne idée de tourner 7 fois sa langue dans sa bouche
  3. bien souvent, l'écrit est envoyé non seulement à son destinataire, mais aussi à d'autres personnes pour les prendre à témoin, soit en mode copie, soit en mode copie cachée

L'écrit qui frappe beaucoup plus fort que l'oral

Dans ma chronique N°25 Bienveillance et nuance, j'ai évoqué le phénomène de désinhibition numérique (je vous renvoie aux 3 sources indiquées dans ma chronique), qui fait que Monsieur et Madame tout le Monde a tendance à se lâcher de manière décomplexée, sans gants et souvent malveillante sur les supports numériques, surtout quand il/elle utilise un profil anonyme. Profil anonyme qui concerne plus particulièrement les forums et les réseaux sociaux qui se sont ancrés dans nos habitudes de vie après la messagerie électronique.

A cette désinhibition s'ajoute un deuxième phénomène qui met facilement le feu aux poudres ou de l'huile sur le feu selon l'histoire bien connue de l'œuf ou de la poule (ou "Non, c'est toi qui a commencé !") : les mots ne constituent que 40% de la communication. Avec l'oralité, et une discussion en face à face on a en plus le ton et la gestuelle. Et entre parenthèses, on comprend en quoi le port du masque peut poser des problèmes de communication.

Je prends un exemple simple : le même "T'as un problème ?" selon la tonalité et la gestuelle peut dire :
  • la surprise "Ah bon, t'as un problème ?"
  • la compassion "Dis-moi, t'as un problème ? Lequel ? Je peux t'aider ?"
  • l'agressivité "Qu'est-ce que tu as à me regarder comme ça ? T'as un problème ?'
  • l'oeil goguenard, je regarde l'autre pataugé et je lui dit "T'as un problème ?"
  • l'indifférence "On dirait que t'as un problème ?"

Ca pique vite et fort

L'adrénaline monte souvent vite et fort quand on considère subir un affront par un écrit numérique (mail, forum, réseau social) d'autant plus évidemment quand il est exprimé devant d'autres, voire potentiellement devant toute la planète quand le contenu est ouvert à toutes et à tous. 
Considérez tout de même ce changement radical pour l'humanité avec les réseaux sociaux : tout un chacun peut être mis au pilori universel à travers un écrit ou une photo ou une vidéo. L'humiliation nous guette en permanence et l'on peut devenir hypersensible à ce risque, voire paranoïaque
Notre radar social se met à sonner à tout bout de champ à la lecture d'un email, d'un contenu de réseau social où nous serions plus ou moins dévalorisé ou insuffisamment valorisé.

Cette dernière distinction me permet d'introduire (pour celles et ceux qui ne connaissent pas mes travaux sur la bienveillance)  un des éléments centraux de ma modélisation de la bienveillance : il faut distinguer la malveillance et l'absence ou insuffisance de bienveillance (cf l'échelle de la bienveillance). De la même façon, il faut distinguer les feedbacks négatifs et l'absence de feedbacks (la reconnaissance que l'on me devrait mais que je ne reçois pas).

Les bons réflexes pour limiter les tensions et les conflits

Tout d'abord, je fais la différence suivante entre "tension" et "conflit" :
  • la tension est un sentiment désagréable perçu du fait que la situation vécue n'est pas celle attendue, de se sentir offensé, de l'autoflagellation, d'un sentiment de mal-être confus. Le sujet des tensions constitue un autre élément central de mes travaux.
  • le conflit est une difficulté dans une relation entre deux personnes ou collectifs ou communautés qui impacte négativement les interactions
Je suis convaincu qu'une attitude peut éviter bien des tensions et conflits : la conjugaison de la tempérance, de l'humilité, de clairvoyance, de l'assertivité et de l'indulgence :
  1. la tempérance en premier lieu pour revenir à l'excellent principe évoqué en début de chronique : tourner 7 fois sa langue dans sa bouche. Le 1ier conseil pour soi et pour les autres est d'attendre que la moutarde soit descendue du nez car la colère du moment est très souvent mal conseillère
    "Je me refuse à monter au cocotier ... au moins pour le moment !"
  2. l'humilité car je peux me tromper dans mon interprétation de ce qui est écrit. En effet, comme je l'ai expliqué avec "T'as un problème !", il est possible que je ne comprenne pas le vrai sens donné par la personne qui a écrit. L'humilité ici qui intègre une bonne dose de lucidité. Le 2ème conseil est donc :
    "Et s'il y avait un malentendu ?"
  3. la clairvoyance sur le média va me conduire à éviter à tout prix de réagir par écrit pour ne pas créer un conflit ou en envenimer un. Et surtout de ne pas réagir en public, mais directement avec la personne. Et voici le 3ème conseil :
    "J'interagis entre 4 yeux. Et si ce n'est pas possible par interaction vidéo et sinon, par téléphone"
  4. La clairvoyance sur l'analyse va me permettre de bien distinguer entre geste intentionnel et geste non intentionnel, et entre malveillance et absence de bienveillance. Le 4ème conseil est donc :
    "Je dois absolument faire la part des choses !"
  5. l'assertivité ou ce que j'appelle différemment par l'affirmation de soi bienveillante, va me permettre d'interagir avec l'autre pour vérifier que j'ai bien compris son propos et son intention. Elle va me permettre aussi d'exprimer mes sentiments, mes besoins, mes éventuelles demandes. Mon 5ème conseil est :
    "Je m'appuie sur la Communication Non Violente pour interagir avec la personne qui s'est exprimée".
  6. l'indulgence qui va me permettre de lui pardonner si elle me présente ses excuses et/ou si après avoir pris de la hauteur, je considère que la situation ne mérite pas que j'y place une énergie inutile. Mon dernier conseil est donc :
    "On tourne la page !"



Je vous invite par ailleurs à prendre connaissance de ma méthode Olé ! que vous pourriez trouver très utile dans ce type de circonstances. Je vous renvoie également à mon dossier La colère en obstacle de la bienveillance.

Ma conviction étant que l'application de ces 6 conseils face à une montée d'adrénaline évite bien des tensions et conflits, et de gérer mieux les conflits qui sont inévitables car tout le monde n'est pas et pas tout le temps dans la bienveillance envers vous
La bienveillance n'ayant rien à voir avec une vision bisounours du monde qui nous entoure et dont nous faisons partie.

Pour la petite histoire, le titre de cette rubrique m'a été inspirée par l'extrait "Pique, pique et colégram" de la fameuse comptine, que j'ai détournée en "Pique, pique et colère gramme" dans un premier temps puis dans le titre définitif de cet article dans un deuxième temps, le mot "tonne" pouvant être entendu dans ses deux sens.




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